Formation du Monde

 « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? »

 On ne répondra peut-être jamais correctement à cette interrogation de Leibniz, qui concerne essentiellement, pour un physicien, l’origine de la matière dans notre Univers.

A la fin de l’ère inflationnaire suivant le Big bang, la matière et l’antimatière apparurent en s’annihilant. Par un processus encore incompris, la matière semble l’avoir emporté sur l’antimatière. Cette matière émergente permit la formation de notre monde visible.

Que peut-on répondre d’autre à Leibniz ?

Les physiciens du modèle standard du Big Bang considèrent que l’évolution de l’Univers est adiabatique et réversible.

Que notre Univers, même en expansion, n’échange pas de chaleur avec l’extérieur est concevable, mais un thermodynamicien ne peut admettre que le système soit réversible. Dès que la matière apparaît, le second principe de la thermodynamique s’active, le temps apparaît et l’entropie se met à croître. La flèche du temps, orientée dans le sens des entropies croissantes entraîne le système Univers vers son futur. Un retour en arrière n’est désormais plus possible.

C’est la loi de la Nature.

  • L’entropie, rapport entre la quantité de chaleur échangée avec l’extérieur (nulle par hypothèse dans le modèle standard) et la température (effroyablement élevée) est donc quasiment nulle. Car le terme dissipatif contenu dans l’entropie n’existe pas encore dans le monde initial. Ce dernier est parfait, c’est le domaine de l’ordre absolu.
  • Puis les irréversibilités de toutes natures produites par les dissipations d’énergie dues aux chocs entre les particules de toutes sortes entrainèrent une augmentation de l’entropie dans tout le système fermé Univers.

Formation des planètes

Toutes les molécules initiales sont uniformément réparties dans l’Univers naissant, à faible entropie. L’agitation dans le monde moléculaire due à la température conduit à des phénomènes irréversibles : l’entropie croît.

Mais ces molécules massiques s’attirent sous l’effet de la gravitation, si bien qu’elles peuvent se grouper en amas organisés provoquant une diminution locale d’entropie largement compensée par les dissipations d’énergie produisant une augmentation globale d’entropie dans tout l’Univers.

Origine du mouvement

Cette question hante l’humanité depuis le début des temps.

L’énorme déséquilibre en température entre l’Univers initial et l’extérieur (dont on ne peut pas dire grand-chose) provoqua le mouvement d’expansion brutale de l’Univers.

Les astronomes, bien plus tard, ont cherché à expliquer le mouvement des planètes en se basant sur le déterminisme, c’est-à-dire en supposant le système des planètes prédictible, stable et qui peut donc être entièrement connu. Ce qui permit d’établir les lois de la mécanique classique.

Apparition du chaos

Henri Poincaré, reprenant les équations générales du mouvement des planètes, montre que les calculs sont inextricables. Il remet en question la stabilité du système solaire. Et en précurseur, il découvre le chaos !

Le mouvement des planètes peut paraître stable durant quelques dizaines ou centaines de millions d’années avant de quitter la zone de stabilité pour pénétrer dans le chaos.

La plupart des phénomènes dans la nature sont non-linéaires ; même si on les approche souvent par des équations linéaires. Il s’ensuit que le système de la nature n’est pas déterministe.

La gravitation (ou depuis la relativité générale la courbure de l’espace-temps) rend les équations de mouvement non-linéaires, et introduit le chaos dans le système solaire.

Mort thermique de l’Univers

L’entropie croissant dans un système isolé, la thermodynamique classique indique qu’un point d’équilibre final devrait être atteint où tout serait figé.

Le second principe de thermodynamique, appliqué à tout système fermé, conduit à une déchéance irréversible, c’est-à-dire à la mort thermique. Il est fort probable qu’il en soit ainsi de l’Univers si celui-ci est un système fermé, hypothèse assez généralement retenue. (Clausius, Lord Kelvin, Helmholtz). Si l’Univers n’est pas un système fermé, alors on ne peut plus rien dire.

 

Mort thermique de l’Univers
Second principe de thermodynamique 

La thermodynamique statistique de Ludwig Boltzmann

Boltzmann, cherchant la source de l’entropie dans le monde moléculaire, montre qu’il est absolument impossible de suivre à la trace les mouvements des molécules en détail à cause de leur nombre fabuleux ; c’est cette absence de prévisibilité, cette incertitude, qui impose une direction au temps.

Boltzmann montre que la dégradation de l’énergie, mesurée par l’entropie, est liée au désordre régnant dans le monde moléculaire. Avec Boltzmann, l’Univers ne va plus que probablement vers sa mort thermique.

Pour en savoir plus sur
la thermodynamique statistique

Création d’ordre avec augmentation du désordre

La thermodynamique nous apprend que le désordre augmente, mais rien n’empêche qu’à un moment donné des zones plus ordonnées se créent localement à condition que du désordre en quantité au moins équivalente apparaisse en un autre endroit du système. Le second principe le permet.

Les structures dissipatives d’Ilya Prigogine

Un enseignement profond de la thermodynamique non-linéaire est ainsi la création d’ordre dans des systèmes dissipatifs s’éloignant de leur équilibre initial. Les irréversibilités mènent au désordre mais peuvent aussi conduire à une part d’ordre.

 Ces structures ordonnées sont obtenues généralement après passage par des bifurcations et des zones chaotiques.

Prigogine, en particulier, mit en évidence ces structures auto-organisées qui naissent loin de l’équilibre. Il les appela structures dissipatives en associant ainsi les deux notions d’ordre et de désordre ; elles sont entretenues par des échanges avec leur environnement et faiblissent après un certain temps avant de disparaître.

Pourquoi faut-il attendre des milliards d’années, après le Big Bang, pour atteindre l’équilibre final ?

Cette autre question fondamentale rejoint celle de Leibniz, en la complétant.

C’est l’ordre introduit dans les structures dissipatives qui entrave le retour à l’équilibre final et prolonge le temps de vie de l’Univers.

Ces structures sont des créations ordonnées que l’on peut observer partout autour de nous : ce sont les planètes, les poissons, les arbres, en un mot la création.

Sans elles, le retour à l’équilibre aurait pu être extrêmement rapide en abrégeant la durée de vie de l’Univers.

Structures dissipatives
Création d’ordre

La théorie de l’information de Claude Shannon

Introduite par Clausius à l’échelle macroscopique, l’entropie s’est révélée avoir une origine microscopique et statistique avec Boltzmann.

La théorie de l’information de Claude Shannon relie la quantité d’information à l’entropie.

L’entropie d’un système mesure d’une part son désordre et d’autre part notre ignorance sur le comportement microscopique de ce système.

Accroître notre degré d’information sur un système est synonyme de diminution de l’entropie du système.

On connaît toutes les informations sur un système lorsque celui-ci est à entropie nulle ; on est alors dans un état d’ordre absolu.